Langage et révolution selon Barthes

In Mythologies, 1957 (p. 234):

Il y a (…) un langage qui n’est pas mythique, c’est le langage de l’homme producteur: partout où l’homme parle pour transformer le réel et non plus pour le conserver en image, partout où il lie son langage à la fabrication des choses, le méta-langage est renvoyé à un langage objet, le mythe est impossible. Voilà pourquoi le langage proprement révolutionnaire ne peut être un langage mythique. La révolution se définit comme un acte cathartique destiné à révéler la charge politique du monde: elle fait le monde et son langage, tout son langage , est absorbé fonctionnellement dans ce faire. C’est parce qu’elle produit une parole pleinement, c’est-à-dire initialement et finalement politique, et non comme le mythe, une parole initialement politique et finalement naturelle, que la révolution exclut le mythe. De même que l’ex-nomination bourgeoise définit à la fois l’idéologie bourgeoise et le mythe, de même la nomination révolutionnaire identifie la révolution et la privation de mythe: la bourgeoisie se masque comme bourgeoisie et par là même produit le mythe; la révolution s’affiche comme révolution et par là-même abolit le mythe.
On m’a demandé s’il y avait des mythes « à gauche ». Bien sûr, dans la mesure même où la gauche n’est pas la révolution. Le mythe de gauche surgit précisément au moment où la révolution se transforme en « gauche », c’est-à-dire accepte de se masquer, de voiler son nom, de produire un méta-langage innocent et de se déformer en « Nature ».

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