(Simple, clair et lumineux, ce pourquoi je le pose ici!)
Le Sexe des modernes, 2021, p. 61-62
L’Autre construit une représentation décentrée du sujet humain où celui-ci ne se définit plus à partir de sa conscience puisqu’il est sujet du désir et sujet parlant. C’est en raison de cette double position qu’il ne coïncide jamais avec lui-même quand il parle. Il n’est de ce fait pas de parole qui, au moment même où elle est émise, n’attende, ne présuppose, n’anticipe une réponse, même dans un monologue, même un monologue silencieux. Ainsi, il n’est pas de parole qui ne soit prise d’emblée dans cette dialectique contrainte de la réponse ou de la reconnaissance, et qui n’intègre l’Autre comme sa condition et son origine. La parole humaine prend son origine dans ce lieu, toujours vide, virtuel, qui est le lieu de l’Autre, un Autre qui me structure. C’est cette structure qui explique la croyance qu’à mon désir quelque chose va me répondre – Dieu, le destin, la chance ou le hasard –, tout comme elle explique le fonctionnement du mensonge par lequel, en mentant à autrui ou à moi-même, je conserve, ce faisant, la vérité quelque part, c’est-à-dire au lieu de l’Autre. La fonction de l’Autre suppose non seulement que la parole humaine ne coïncide pas avec le moi, mais également que je ne m’adresse jamais tout à fait au semblable (petit autre) car le semblable n’est pas ce qui satisfait entièrement à mon exigence de réponse ou de reconnaissance. Cette faiblesse du semblable tient à ce que Lacan appelle le « côté toujours se dérobant de son “je” », et explique notre recherche obstinée derrière autrui d’un Autre dont le Je serait peut-être plus irrécusable que celui du semblable, un Autre qui pourrait dire, à la manière du Dieu de la Bible, au moins une fois, « Je suis celui qui suis ».