Nocturne à la biblothèque, mais il fait encore grand jour, nous sommes en mai. Des trois baies de plein cintre vitrées dont les longs carreaux rectangles de verre grossier et irrégulier, parfaitement transparent mais dont la surface n’est pas rigoureusement plane, qui contient des bulles et au travers desquels le monde apparaît tremblé, comme imparfait, sont tenus par une armature de fer forgé, qui décore leurs angles de quatre inflorescences spirales et le milieu des plus petits côtés d’une sorte d’épine, les plus long côtés, verticaux, restant, plus solides, sans décoration, celle du centre est ouverte sur le ciel, à l’exclusion de tout autre objet, chaque carreau ouvert sur une portion de ciel, c’est-à-dire sur une répartition de clair et d’obscur, d’azur et de nuage, les deux autres ouvertes sur l’architecture néo-classique de la cour, oblique à cause de la perspective, tout à fait symétrique en ce qui concerne le premier plan, néo-classique, c’est-à-dire sans beaucoup de goût ni d’harmonie mais derrière les carreaux de la baie vitrée, dans l’arc de celle-ci, cela n’a pas beaucoup d’importance: cela n’est vu qu’en oblique, cela ressemble et joue comme les architectures à l’arrière-plan des peintures. Le matin le soleil donne sur l’architecture de gauche, le soir sur celle, à elle rigoureusement symétrique, de droite, les deux côtés absolument identiques lorsque le ciel se couvre. Il me suffirait d’un mouvement, mais qui serait saugrenu, pour me placer sur l’axe, d’une certaine manière au point focal de cette salle, dont je ne suis décalé que de quelques centimètres, c’est-à-dire en face de la paroi de l’entrée, tout à fait dans l’axe. Je regarde les belles lectrices remonter vers moi l’allée centrale, les bras trop chargés des livres qu’elles viennent rendre, mais je ne les vois, à cette heure, qu’à contre-jour, je ne vois guère que leurs silhouettes embarassées. Comme la salle est carrée, il y a encore trois arcades de chaque côté, dans l’arc desquelles sont peintes de fausses baies avec des couleurs très claires comme dans les peintures de Poussin: le sommet de grands arbres et des morceaux de ciel bleu avec des nuages blancs et gris, comme est la plupart du temps le ciel à Paris, c’est-à-dire à travers les trois baies vitrées, comme si cette salle pleine de livres qui montent sur les murs presque jusqu’aux baies, avait été dressées par le vouloir d’un empereur sur seize très hauts piquets au milieu d’un parc, mais tant qu’il fait jour les baies peintes restent par comparaison obscures, et trois arcades à l’opposé de l’entrée, elles ouvertes jusqu’en bas sur une salle semi-circulaire dite Hémicycle. Pendant que j’écris passent des nuées d’orage, très sombres, et j’appréhende la pluie. Il y a parfois une simultanéité dans les bruits que cause chacun des lecteurs: page tournée, chaise cognée, serviette refermée, un bruissement qui fait douter s’il ne tombe pas de la pluie sur la verrière. Je tends alors l’oreille et me concentre pour trier là-dedans et reconnaître.
Au moment précis où je sors de la bibliothèque un coup de tonnerre éclate et il se met à pleuvoir à grosses gouttes. Bientôt il pleut des trombes, comme à Nice, et même de la grêle. J’ai un imperméable mais je suis tout de même obligé de raser les murs et de profiter du moindre abri. Et aux moments où il pleut le plus fort de rester sous un porche ou sous une colonnade pour attendre que ça se calme.
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