décembre 2020
Il y a des lacunes dans mon souvenir. J’étais allé le voir pour lui dire que j’abandonnais mon projet de maîtrise sur Hegel et Marx. Lire la suite
décembre 2020
Il y a des lacunes dans mon souvenir. J’étais allé le voir pour lui dire que j’abandonnais mon projet de maîtrise sur Hegel et Marx. Lire la suite
Qu’est-ce que la philosophie ? (1991):
Thèse 1. Les propositions philosophiques sont des Thèses.
Attention: le clip dure une heure. Il a été publié par Robert Wright sur son site meaningoflife.tv (le copyright est de 2007 mais je n’ai pas trouvé la date de l’entretien) qui fournit une transcription (non certifiée et par moments erratique).
L’impression que j’en retiens est que la position de Dan Dennett (voir ici) n’est pas tout à fait aussi assurée qu’il n’y paraît: on trouve dans l’interview à la fois ce qui me paraît une réduction mécaniste de son immanentisme (voir en particulier le passage sur « knowing what it’s like to be you », ou la minimisation des niveaux d’émergence à propos de « consciousness » et « life ») et un platonisme assumé (je me dis du coup qu’on pourrait caractériser la philosophie de DD comme la tentative d’un platonisme immanentiste). Le point crucial est sur le sens de l’évolution: si l’évolution a une direction, pour DD, elle n’a pas de finalité (purpose). Admettre une finalité serait se rendre à son interlocuteur et du coup DD rend hommage à son adversaire de jadis, S. J. Gould.
Extraits (plus d’extraits – en anglais – après le saut):
J’ai le sentiment qu’il n’y a en fait pas tant de gens qui croient réellement en Dieu. Beaucoup de gens croient en la croyance en Dieu. Ils pensent qu’elle est une bonne chose, et ils essayent de croire en Dieu, ils espèrent croire en Dieu, ils souhaitent croire en Dieu, ils accomplissent tous les gestes, ils essaient très fort d’être dévôts. Parfois ils y arrivent, et pendant certaines parties de leur vie, ils croient effectivement, en un certain sens, qu’il y a un Dieu et ils pensent qu’ils s’en portent au mieux. Par ailleurs, ils se comportent comme des gens qui ne croient pas en Dieu. Très peu de gens se comportent comme s’ils croyaient vraiment en Dieu. Beaucoup de gens se comportent comme s’ils croyaient qu’ils devraient croire en Dieu.
Une des choses qu’en évoluant nous avons découvertes sur cette planète est l’arithmétique. Nous ne l’avons pas inventée, nous ne l’avons pas faite. Nous l’avons trouvée. Elle est éternelle. Elle est vraie partout dans l’univers, dans n’importe quel univers. Il n’y a qu’une arithmétique. Est-ce que cela est transcendant? Je dirais oui. Je ne suis pas sûr de ce que vous entendez par « transcendant »…
Wright: un truc platonicien…
Daniel Dennett: Oui, oui, une sorte de platonisme…
Jean de Jandun, né en 1285, près de Reims, a été, avant d’être oublié, un des philosophes latins les plus connus et les plus cités. Le philosophe J-B Brenet en restaure la pertinence en particcipant à la révision en cours de l’histoire de la pensée qui accorde une importance nouvelle au nœud gréco-arabo-latin textuellement tissé à l’époque médiévale. Jean de Jandun qui se disait le singe d’Averroès n’a pas produit une pensée serve à celle du maître. A le lire de près, l’on saura qu’il fera avancer le concept-clé de sujet, l’intégrant à la personne, le situant dans l’humain d’une manière privilégiée sinon exclusive.
C’est chez Jean-Pierre Faye que j’ai trouvé la thèse de l’invention du concept moderne de sujet chez Averroès. La thèse soutenue ici est plus complexe: le concept moderne de sujet aurait été élaboré par Jean de Jandun dans l’opération de translation de l’arabe au latin.
J.-B. Brenet, Transferts du sujet, la noétique d’Averroès selon Jean de Jandun, Ed.Vrin, 2003.
Futûhât, I:
Un jour, à Cordoue, j’entrai dans la maison d’Abûl l-Wâlid Ibn Rushd, cadi de la ville, qui avait manifesté le désir de me connaître personnellement parce ce que ce qu’il avait entendu à mon sujet l’avait fort émerveillé, c’est-à-dire les récits qui lui étaient arrivés au sujet des révélations que Dieu m’avaient accordées au cours de ma retraite spirituelle. Aussi, mon père, qui était un de ses amis intimes, m’envoya chez lui sous le prétexte d’une commission à lui faire, mais seulement pour donner ainsi l’occasion à Averroës de converser avec moi. J’étais en ce temps-là un jeune adolescent imberbe. A mon entrée, le philosophe se leva de sa place, vint à ma rencontre en me prodiguant les marques démonstratives d’amitié et de considération, et finalement m’embrassa. Puis il me dit: « Oui. » Et moi à mon tour, je lui dis: « Oui. » Alors sa joie s’accrut de constater que je l’avais compris. Mais ensuite, prenant moi-même conscience de ce qui avait provoqué sa joie, j’ajoutai: « Non. » Aussitôt, Averroës se contracta, la couleur de ses traits s’altéra, il sembla douter de ce qu’il pensait. Il me posa cette question: « Quelle sorte de solution as-tu trouvée par l’illumination et l’inspiration divine? Est-ce identique à ce que nous dispense à nous la réflexion spéculative? » Je lui répondis: « Oui et non. Entre le oui et le non les esprits prennent leur vol hors de leur matière, et les nuques se détachent de leur corps. » Averroës pâlit, je le vis trembler; il murmura la phrase rituelle: il n’y a de force qu’en Dieu, – car il avait compris ce à quoi je faisais allusion.
Henry Corbin, Histoire de la philosophie islamique.– Gallimard, 1964.
Pour Sohravardî, une expérience mystique, sans formation philosophique préalable, est en grand danger de s’égarer; mais une philosophie qui ne tend ni n’aboutit à la réalisation spirituelle, est vanité pure. Aussi le livre qui est le vade-mecum des philosophes « orientaux » (le Kitâb Hikmat al-Ishrâq) debute-t-il par une réforme de la Logique, pour s’achever sur une sorte de mémento d’extase.
La grève à Radio-France me pousse à aller chercher dans les archives de France-Culture de quoi maintenir la continuité de l’écoute. Comme j’écoute rarement la radio à 6:00 du matin (seulement lorsque j’ai un avion à prendre), l’« Eloge du savoir » représente une réserve sûre où puiser. Je tombe comme ça sur la série de cours donnés par Jacques Bouveresse au Collège de France sur: « Kurt Gödel : mathématiques, logique et philosophie » (p). Malheureusement j’écoute généralement la radio en faisant autre chose et ces émissions-là demandent une attention constante. J’écoute mais j’aurais à réécouter.
Malgré l’incomplétude (ouaf!) de ma compréhension, je capte un certain nombre de choses qui m’intéressent. D’autant que pour calmer mon prurit de faire autre chose pendant mon écoute sans m’éloigner trop du discours de Bouveresse, je surfe un peu sur la toile autour de l’émission.
Je me souviens qu’il y a quelques années, au moment de l’affaire Sokal, Jacques Bouveresse, qui à la différence de la plupart des intellectuels français, avait rejoint le camp sokalien, stigmatisait particulièrement l’utilisation hors champ du théorème d’incomplétude de Gödel. Or, si je m’identifiais moi-même décidément avec le camp sokalien, l’utilisation philosophique générale du théorème de Gödel me semblait non seulement légitime mais capitale comme formalisation d’un principe directeur. Depuis il m’en reste comme une démangeaison, l’envie de comprendre exactement l’argument de Bouveresse. Comme je ne suis philosophe qu’en dilettante, la démangeaison me reste. Mais j’ai peut-être trouvé tout à l’heure une manière de baume à lire le résumé fourni par Jacques Bouveresse de son cours sur le site du Collège de France: « au nombre des absurdités qu’on entend proférer assez souvent à propos du théorème de Gödel figure l’idée qu’il aurait été démontré que même une discipline comme l’arithmétique peut comporter des propositions qui ne sont ni vraies ni fausses. En réalité, la proposition indécidable de Gödel est vraie et peut être reconnue comme telle par une argumentation métamathématique, bien qu’elle ne soit ni démontrable ni réfutable. »
Pour moi, l’exportation (légitime) du théorème de Gödel n’est pas dans la proclamation du relativisme (propositions ni vraies ni fausses) mais dans la dépendance de tout ensemble formel de preuve d’un méta-ensemble non justiciable du formalisme de l’ensemble premier, le meta-ensemble ultime étant le langage commun. En d’autres termes une sortie qui peut être platonicienne (à la différence des ruptures radicales, nietzschéennes, avec le platonisme) de l’illusion platonicienne selon quoi la différence radicale entre la science et l’opinion doit fonder le projet d’un remplacement total de l’opinion par la science et de la constitution d’un savoir certain (scientifique) de toutes choses.
Bon, mais je ne suis pas sûr d’avoir bien compris le propos de Bouveresse et il faudra que j’y revienne!
En attandant je trouve que Gödel, croyant, avait produit une reformulation de la preuve ontologique de l’existence de Dieu, celle à quoi est associé le nom de Saint Anselme et reformulée une première fois par Leibnitz. Gödel n’avait communiqué sa « preuve » qu’à des amis, par prudence, et elle n’a été publiée qu’après sa mort (il se laissa mourir de faim à 72 ans par crainte d’être empoisonné!).