Probablement, tout et tous (et nous-mêmes) ne sommes-nous que des rêves, immédiats, de la divine Matière : les produits textuels de sa prodigieuse imagination. Et ainsi, en un sens, pourrait-on dire que la Nature entière, y compris les hommes, n’est qu’une écriture; mais une écriture d’un certain genre, une écriture non-significative, parce qu’elle ne se réfère à aucun système de signification, du fait qu’il s’agit d’un univers indéfini: à proprement parler immense, sans limites.

Tandis que le monde des paroles est un univers fini. Mais, du fait qu’il est composé de ces objets très particuliers et particulièrement émouvants: les sons significatifs dont nous sommes capables, qui nous servent à la fois à nommer les objets du monde et à exprimer nos sentiments intimes,

Sans doute suffit-il de nommer quoi que ce soit — d’une certaine manière — pour exprimer tout de l’homme et, du même coup, glorifier la matière, exemple pour la parole et providence de l’esprit.

^{NOTE SUR LE TEXTE (Pléiade OC I, p. 1194)}

^{À l’occasion de l’exposition «Vues sur la matière», présentée à Lausanne, à la galerie Bonnier (1963), cette brochure est parue en 1963 dans cette ville, aux Éditions du Verseau (achevé d’imprimer le 16 mai 1963 sur les presses des maîtres imprimeurs Ruth et Sauter). Le tirage est à 230 exemplaires, 8 sur Japon nacre Kaj et 200 sur Velin de Rives a la cuve. L’ouvrage comprend une préface («A la rêveuse matière»), suvie de quatre textes réunis sur une page-dépliant illustrée. A l’exception de « La Terre», qui est imprimée, tous sont reproduits en fac-similés de manuscrits. L’achevé d’imprimer précise que la plaquette-estampe présentée sous emboitage est une « tentative de lier intimement trois vues sur la matière: l’écriture de Francis Ponge, la photographie de Henriette Grindat, le dessin de A. E. Yersin […] au moment ou, après un long et terrible hiver, la nature s’est enfin parée de son plus bel habit fleuri ». L’exemplaire n° 1 comprend le manuscrit de la préface, les exemplaires n » 2 à 4, une page manuscrite. La B.N.F. conserve l’exemplaire n° 44 (Res mz 485).}

Voir photo du manuscrit: nombreuses variantes de détail.

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