Kafka: extrait d’une lettre à Max Brod (été 1909)

… les gens tombent comme ivres des échafaudages et s’engouffrent dans les machines, toutes les poutres se renversent, tous les talus deviennent mouvants, toutes les échelles glissent, ce qu’on fait monter dégringole, quant à ce qu’on fait descendre, on tombe soi-même dessus. Et on a des maux de tête à voir toutes ces jeunes filles dans les fabriques de porcelaine qui se précipitent sans cesse dans les escaliers avec des montagnes de vaisselle.

Un cauchemar, la vision apocalyptique de catastrophes ininterrompues, un film expressionniste, muet… Ce passage est tiré d’une lettre à Max Brod où Franz Kafka décrit son travail, encore neuf, à l’Arbeiter-Unfall-Versicherungs-Anstalt für das Königreich Böhmen, l’organisme semi-public où il travaillera jusqu’à sa retraite anticipée en 1922. Elle est de l’été 1909, soit exactement un an après sa prise de fonction en juillet 1908. La photographie insérée ici° est datée de l’année 1910.

°Source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Franz_Kafka,_1910.jpg

Texte original:

In meinen vier Bezirkshauptmannschaften fallen – von meinen übrigen Arbeiten abgesehn – wie betrunken die Leute von den Gerüsten herunter, in die Maschinen hinein, alle Balken kippen um, alle Böschungen lockern sich, alle Leitern rutschen aus, was man hinauf gibt, das stürzt hinunter, was man herunter gibt, darüber stürzt man selbst. Und man bekommt Kopfschmerzen von diesen jungen Mädchen in den Porzellanfabriken, die unaufhörlich mit Türmen von Geschirr sich auf die Treppe werfen.

sur le wiki

sur le « prophétisme » de Kafka

Le Château, chap. 15 trad. G.-A. Goldschmidt

il faut penser qu’entre un fonctionnaire et une fille de cordonnier, il y a un abîme qu’il faut franchir d’une manière ou d’une autre. Sortini l’a essayé à sa manière, un autre s’y serait pris autrement. Certes, il est dit que tous nous faisons partie du château et qu’il n’y a pas d’abîme à franchir, et d’habitude c’est vrai. Mais malheureusement nous avons eu le loisir de constater que ce n’est pas vrai du tout quand il s’agit de choses importantes.

Lire la suite

Kafka et Freud (Kafka et Proust 3)

Tout de suite après avoir écrit Le Verdict*, Kafka note: « Gedanken an Freud natürlich », « pensé à Freud naturellement ». Claude David, dans son édition Pléiade, note qu’il s’agit sans doute de la première fois (1912) qu’un écrivain réfère explicitement ce qu’il écrit à Freud.

Lire la suite

Le Journal et l’œuvre (Kafka et Proust 2)

Le Journal est un document qui témoigne d’une écriture comme processus. Il ne peut être considéré comme une « œuvre » que dans un second temps qui suppose un travail d’édition, que ce soit de l’auteur lui-même ou d’un éditeur (intellectuel, editor). Lire la suite

Kafka, « célibataire de l’art » ? (Kafka et Proust 1)

Dans l’introduction à sa biographie de Kafka, Reiner Stach, pour expliquer le caractère particulier de celle-ci, distingue, dans une biographie, le développement horizontal: les évènements extérieurs, amours, mariages, carrière, etc. du développement en profondeur auquel on est presque réduit s’agissant de Kafka°. Cette image, si bien signifiante rappelle l’opposition que fait Proust entre « moi social » et « moi intérieur ». Proust et Kafka font deux figures très semblables. La différence la plus saillante est que Kafka n’a pas produit d’œuvre ou du moins pas à la hauteur de son exigence littéraire (vs La Recherche où l’effort et l’ambition littéraire d’une vie se sont trouvés finalement réalisés et justifiés). On peut dire qu’à le considérer en termes proustiens, Kafka n’a pas réussi à échapper au statut de « célibataire de l’art ».

Lire la suite

Kafka: les lettres et les fantômes

« Les baisers écrits n’arrivent pas à destination mais sont bus en chemin par les fantômes. « 

Lire la suite