Du Journal de voyage en Italie de Michel de Montaigne (disponible en pdf sur le site de l’Université de Chicago):
LUCQUES, vint milles. Ville d’un tiers plus petite que Bourdeaus, libre, sauf que pour sa foiblesse elle s’est jettée sous la protection de l’Ampereur & maison d’Austriche. Elle est bien close & flanquée ; les fossés peu enfoncés, où il court un petit canal d’eaus, & pleins d’herbes vertes, plats & larges par le fons. Tout au tour du mur, sur le terre-plein de dedans, il y a deux ou trois rancs d’abres plantés qui servent d’ombrage, & disent-ils de fascines à la nécessité. Par le dehors vous ne voyés qu’une forest qui cache les maisons. Ils font tousiours garde de trois cens soldats etrangiers. La ville fort peuplée, & notammant d’artisans de soïe ; les rues étroites, mais belles, & quasi partout des belles & grandes maisons. Ils passent au travers un petit canal de la riviere Cerchio ; ils batissent un Palais de cent trente mille escus de despanse, qui est bien avansé. Ils disent avoir six vins mille ames de sujets, sans la ville. Ils ont quelques Chatelets, mais nulle ville en leur subjection. Leurs Jantilshommes & jans de guerre font tous estat de marchandises : Les Buonvisi y sont les plus riches. Les Estrangiers n’y entrent que par une porte où il y a une grosse Garde. C’est l’une des plus plesantes assietes de ville que je vis jamais, environnée de deus grans lieus de pleine, belle par excellance au plus étroit, & puis de belles montaignes & collines, où pour la pluspart ils se sont logés aus champs. Les vins y sont mediocremant bons ; la cherté à vint sols par jour ; les hosteleries à la mode du païs, assés chetives.