Benoit XVI et l’Islam: analyses catholiques

Benoît XVI et les musulmans / Jean-Marie Gaudeul

Leur première source d’étonnement vient du fait que pour trouver un exemple à ne pas suivre, il est allé puiser chez les musulmans, comme s’il n’en existait pas dans la longue histoire des débats théologiques du Christianisme. L’impression – première et superficielle, j’en conviens – qu’on en retire est que la rationalité se trouve chez les chrétiens et non dans l’islam.

A juste titre, les musulmans nous citent l’exemple des Mu’tazilites ou des Philosophes qui, tout musulmans qu’ils étaient, en venaient à dire que la vérité recherchée par les philosophes est du même ordre que la vérité prêchée par les prophètes à travers des symboles. On pense à Avicenne ou à Averroès. Notons, en passant, que beaucoup de penseurs musulmans du 20ème siècle sont, en fait, des néo-mu’tazilites.

« Assurément l’empereur savait que dans la sourate 2, 256 on peut lire : « Nulle contrainte en religion ! ». C’est l’une des sourates de la période initiale, disent les spécialistes, lorsque Mahomet lui-même n’avait encore aucun pouvoir et était menacé. Mais naturellement l’empereur connaissait aussi les dispositions, développées par la suite et fixées dans le Coran, à propos de la guerre sainte. »

Il s’agit là des propos du pape lui-même. L’ennui, c’est que ce verset coranique – de l’avis unanime de tous les commentateurs – tant chrétiens que musulmans – n’est pas de la période initiale, mais bien de la période médinoise quand Muhammad est en position d’autorité.

Ajoutons que présenter Dieu comme libre de nos petites logiques est un thème familier de la littérature biblique : « Mes pensées ne sont pas vos pensées – comme le ciel est au-dessus de la terre ainsi ma pensée au-dessus des vôtres – vos meilleures pensées sont comme du linge sale – les voies de Dieu sont insondables et incompréhensible ses voies, – ce qui est folie aux yeux des hommes est sagesse aux yeux de Dieu… etc… » Il n’est pas sûr que les penseurs musulmans voulaient dire autre chose que cela !

Bon nombre de leaders musulmans souhaitent un apaisement rapide de la crise; mais il serait dangereux de refuser de reconnaître que le texte de Benoît XVI contient des inexactitudes et qu’il donne trop d’importance à une citation d’un auteur marginal.

Le projet proposé par Benoît XVI / le père Samir Khalil Samir

Mais tandis que le monde musulman a pratiquement perdu le lien avec sa grande tradition médiévale, qui avait donné naissance à cette extraordinaire floraison que l’on a appelée ’la Renaissance abbasside’, laissant le religieux dominer totalement le rationnel jusqu’à aboutir au XIV e-XVe siècles à ce que l’on a appelé ’la Décadence’ (’asr al-inhitât), le monde chrétien en Occident a poursuivi son parcours cherchant à maintenir sans cesse ce lien indissociable entre foi et raison, jusque ce que la bourrasque du XIX e siècle n’ait initié cette lente décadence spirituelle.

Sous certains aspects ce discours s’applique autant à nos frères juifs comme à nos frères chrétiens. Jusques à quand allons-nous régler nos problèmes internationaux par la guerre et la violence ? N’est-ce pas assez de deux générations humiliées en cette Terre sainte qui est de tous ?

Certes, il y a eu maladresse de la part de ce Père. Peut-être était-il tellement pris par la dimension académique de son discours qu’il en oublia les retombées politiques possibles ? Peut-être ne s’est-il pas encore fait à sa nouvelle fonction de pape, avec ce qu’elle implique aussi de fonction politique ? Je pense qu’il a cependant quelque chose à nous dire et qu’il serait raisonnable de lui laisser sa chance.

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