… toute époque féconde en chansons populaires fut aussi au plus haut point tourmentée par des agitations et des entraînements dionysiens[1] que nous devons toujours considérer comme cause latente et condition préalable de la chanson populaire.
Mais la chanson populaire nous apparaît avant tout comme miroir musical du monde, comme mélodie primordiale qui se cherche une image de rêve parallèle et exprime celle-ci dans le poème. La « mélodie est donc la matière première et universelle » qui, à cause de cela, peut aussi subir des objectivations diverses en des textes différents. Aussi est-elle, pour le sentiment naïf du peuple, l’élément prépondérant, essentiel et nécessaire. De sa propre substance, la mélodie engendre le poème, et sans cesse elle recommence ; la « forme en couplets de la chanson populaire » ne signifie pas autre chose…
Naissance de la Tragédie, §6 (cité par Charles-Albert Cingria, La Civilisation de Saint-Gall, OC, II, p. 189)
[1] Cingria commente: « Il n’y a pas de meilleur exemple à notre époque – pas celle de Nietzsche, la nôtre – que l’art anglo-nègre d’Amérique. »