Contre la lecture silencieuse [autre trad. – voir aussi le commentaire de Borges]:
Tu ne saurais juger de leur beauté, et tu ne peux en faire plus d’usage qu’un aveugle ne jouit des charmes visibles de ses amours. Les yeux tout grands ouverts, j’en conviens, tu regardes tes livres, et, par Jupiter, tu, t’en assouvis la vue, tu en lis même des morceaux au pas de course, l’œil devançant les lèvres. Mais cela ne suffit pas, si d’ailleurs tu ne sais pas ce qui constitue les beautés et les défauts d’un ouvrage, quel est le sens de tous les mots, leur construction, si l’auteur s’est astreint aux règles prescrites, quels sont les termes de bon ou de mauvais aloi, les tournures falsifiées.
Que le livre ne dispense pas du maître (cf. le dernier billet de CJ):
Quand donc as-tu songé à entretenir avec les livres le plus léger commerce ? quel est ton maître ? quels sont tes condisciples ? Et cependant tu espères aujourd’hui que tout cela va pousser de soi-même, si tu possèdes une bibliothèque bien fournie !
Contre l’externalisation du savoir et de l’ignorance des marchands de livre (! cf. Ibn al-Nadîm):
Tu as sans cesse un livre à la main et tu lis continuellement, mais tu ne comprends rien à ce que tu lis ; tu es un âne secouant l’oreille en entendant jouer de la lyre. Si la possession des livres suffisait pour rendre savant celui qui les a, elle serait d’un prix inestimable ; et si le savoir se vendait au marché, il serait à vous seuls qui êtes riches, et vous nous écraseriez, nous les pauvres. Et puis, qui pourrait le disputer en érudition aux marchands, aux bouquinistes, qui en possèdent et en vendent en si grand nombre ?
Que le livre n’est qu’un instrument (cf. billet de CJ):
eût-il à sa disposition les flûtes de Marsyas ou d’Olympe, il est impossible qu’il en joue sans avoir appris.
autres extraits…