Benoit XVI et l’Islam: Malek Chebel

Le Monde.fr : La longue quête d’un islam des Lumières

Le déclin de l’islam a commencé, en effet, avec la Reconquista catholique de l’Espagne en 1492. Jusque-là, sa vitalité intellectuelle était sans comparaison. 1492 est une date à marquer au fer rouge. Elle signe la fin de la maîtrise musulmane sur le monde physique, l’exploration de la nature, la curiosité philosophique et scientifique. C’est l’échec du projet musulman fondé sur la rationalité. 1492 : les musulmans sortent de l’Histoire. 1492 : les chrétiens rentrent dans l’Histoire avec la découverte de l’Amérique.

Pour l’islam, la tradition critique – et de l’autocritique – n’a jamais été une discipline significative. L’islam a toujours fonctionné sur le trépied suivant : les « guerriers » qui se réclament du djihad, les « théologiens » qui leur fournissent une légitimation sacrée, et les « marchands » qui financent. Au-dessus : le calife ; mais, à la marge, toujours, les intellectuels, les libres-penseurs, les philosophes…

Je reconnais à chacun le droit de nous interpeller sur nos failles et nos déficiences. Nous avons besoin du regard de l’autre pour progresser dans la voie des réformes. Je reconnais donc le droit à toute autorité d’une autre religion de nous alerter. Pour autant, je suis dubitatif devant l’argument selon lequel l’islam serait intrinsèquement violent. Cette idée ne favorise en rien le dialogue.

Là est le problème : on met trois semaines pour fabriquer un terroriste, trente ans pour fabriquer un intellectuel critique. Tant qu’on est dans ce rapport pervers au temps, on sera la proie de cette violence à bas prix qui éclabousse l’ensemble de la communauté. Tant qu’on n’a pas pris le parti de former des esprits critiques, capables d’interpréter le texte, de dialoguer avec l’autre, on sera toujours à la recherche d’un islam de paix perdu, d’un islam des Lumières.