(Samedi 30 juillet 2011 sous le taud, au mouillage près de l’île Gallinara.)
Vologda, comme l’écrit Apollo Korzeniowski [le père de Joseph Conrad] à son cousin au cours de l’été 1863, n’est qu’un trou marécageux où rues et chemins sont faits de troncs d’arbres abattus. Les maisons, mais aussi les palais de planches de la noblesse provinciale, peints de couleurs vives, se dressent sur des pilotis au beau milieu du marais. Aux alentours, tout se noie, pourrit et se dégrade. Il n’y a que deux saisons, un hiver blanc et un vert. Neuf mois durant, l’air glacial descend de la mer du Nord. Le thermomètre tombe jusqu’à des températures inimaginablement basses. On est entouré de ténèbres impénétrables. Durant l’hiver vert, il pleut sans interruption. La boue s’infiltre par les portes. La rigidité cadavérique se mue en un affreux marasme. Durant l’hiver blanc, tout est mort, durant l’hiver vert, tout agonise.
Je continue la lecture des Anneaux de Saturne, avec un plaisir maintenu, renforcé même puisqu’au début la prolixité de sa phrase et le quartier libre donné à sa pulsion narrative me gênaient et me faisaient regretter la simplicité plus grande et la sécheresse de Vertigo. Je viens de terminer le chapitre où il est question de Konrad et de Kasement. Magnifique la façon dont il arrive à se boucler sur lui-même et faire une unité. Et des morceaux de bravoure qu’ on se sent tenté de lire à voix haute. Ainsi cette description de la ville de Vologda, page 140, que malgré sa tonalité péjorative, je trouve parfaite (enfin, pas tout à fait: si la tonalité péjorative est à sa place, s’agissant d’exil, et même, dans ces conditions, teint le morceau d’une nuance presque parodique, qui participe à son charme, je n’aime pas « hiver vert » peut-être parce qu’il dissonne très désagréablement en français mais aussi, surtout, parce qu’il blesse autant l’imagination que l’oreille et qu’il semble là pour rajouter une couche, artificielle et inutile, à la péjoration…).
(photos cercamon et paukrus sur Flickr)