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Pour se définir, il disait d’abord : je suis juif.
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Enfant, il l’avait vécue d’abord dans l’orgueil : « On est partout », lui disait fièrement son père en lui montrant la carte du monde. Quand, à treize ans, il avait découvert l’antisémitisme, la terre avait tremblé, tout avait craqué. (…) Il se rétablit dans l’orgueil, grâce à son père, un résistant de la première heure. Lui-même, il organisa un réseau au lycée de Clermont-Ferrand et à partir d’octobre 43 se battit dans le maquis. Ainsi son expérience ne lui découvrit-elle pas dans les Juifs des humiliés, des résignés, des offensés mais des lutteurs.
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Parfois le matin, après des rêves agités, il se réveillait en me criant : « Vous êtes tous des kapos ! »
J’écoute la rediffusion de l’émission du « Cinéma des cinéastes » de 1985 où Claude-Jean Philippe et Pierre Donnadieu recevaient Claude Lanzmann pour « Shoah ». Impressions mêlées, interrogations, la volonté et l’assurance têtue derrière « Shoah », des choix particuliers, peu évidents, pour l’auditeur seulement, pas pour Lanzmann (la mise en scène de l’interview du coiffeur, le piégeage du nazi et le refus de répondre à Donnadieu curieux du dispositif…) et cette façon de s’objectiver, d’installer le film à distance de lui, en face de lui, avec orgueil, cet orgueil lui-même. Et la récurrence des impératifs. Mais plus simplement je remarque la qualité de la langue.
Sur Libération (via Facebook), je lis que c’est en 1952 que Simone de Beauvoir a fait la connaissance de Claude Lanzmann. J’ai terminé la première partie de « la Force des choses » il y a peu de jours. Je n’avais pas l’intention d’enchaîner sur la seconde partie et je me souviens que la première partie s’achève en 1952. Du coup, tout à l’heure, j’achète la seconde partie et, de fait, tout de suite il s’agit de Lanzmann.