Baubérot 2: la France condamnée par l’Europe

Jean Baubérot remarque très justement que les nouvelles des condamnations de la France à la Cour Européenne des Droits de l’Homme rencontrent peu d’échos dans les médias ni d’intérêt dans le milieu intellectuel.Je ne crois pas me souvenir en avoir entendu grand chose même pendant la campagne du référendum de l’année dernière. Les exemples que j’ai collectés sur son blogue mériteraient pourtant chacun son exégèse particulière: le premier soulèverait sans doute une indignation approbatrice, le second une approbation peut-être un peu plus hypocrite, quant au troisième il soulèvera chez beaucoup (s’agissant des sectes et de l’Eglise de Scientologie) une indignation fortement réprobatrice. J’aimerais entendre le point de vue de… disons Max Gallo sur ces affaires et sur la supra-compétence de la Cour Européenne.

Jean Baubérot : L’EUROPE QUE L’ON AIME…

les juges de la Cour européenne des droits de l’homme ont condamné à l’unanimité la France pour n’avoir pas considéré comme de l’esclavage moderne le fait qu’une jeune Togolaise, Siwa-Akofa Siliadin, a été employée (et pas aux trente cinq heures !) sans aucune rémunération de 1994 à 1998.

Jean Baubérot : LA « LIBERTE D’EXPRESSION » ET SES MULTIPLES FACETTES

J’ai trouvé l’information dans Le Monde (2 février 2006) : Paul Giniewski avait publié une réponse à l’encyclique « Splendeur de la vérité ». Il y écrivait : « De nombreux chrétiens ont reconnu que l’antijudaïsme des Ecritures chrétiennes et la doctrine de l’ « accomplissement » de l’Ancienne Alliance par la Nouvelle conduisent à l’antisémitisme et ont formé le terrain où ont germé l’idée et l’accomplissement d’Auschwitz ». Poursuivi par l’association « Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne » (des gens qui considèrent que l’identité française est avant tout chrétienne) pour « diffamation raciale envers la communauté chrétienne », M. Giniewski s’est vu condamné en première instance, puis en cour d’appel, la condamnation étant confirmée par la Cour de cassation.

Jean Baubérot : NOUVELLES : GAMBETTA GUILLOTINE ET LA FRANCE CONDAMNEE

la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, à l’unanimité (donc avec « opinion concordante » du juge français Jean-Paul Costa) pour avoir condamné Christian Paturel (et son éditeur), auteur de Sectes, religions et libertés publiques où il polémiquait avec l’association antisecte UNADFI. La Cour européenne a estimé que la liberté d’expression avait été bafouée.

Baubérot 1: le cléricalisme médical

Citation multifacette: l’information brute, la remarque sur l’intolérance morale et sa suite sur l’indignation et le moralisme… quant au principal, le cléricalisme médical, je suis un peu perplexe et me dis que je devrais peut-être me décider à aller relire Illich même lorsqu’il ne parle pas de lecture!

Jean Baubérot : CLERICALISME MEDICAL ET LAÏCITE

9000 personnes meurent chaque année en France d’infections nosocomiales, c’est-à-dire d’infections contactées dans des hôpitaux ou dans des cliniques et qui n’ont rien à voir avec les raisons pour lesquelles les personnes qui meurent ainsi sont entrées à l’hôpital ou à la clinique. Ces personnes viennent pour une intervention, et ils meurent d’une infection

Le cléricalisme médical, novateur et ascendant au XIXe, est devenu un cléricalisme établi au XXe et maintenant devient maintenant peu à peu un cléricalisme crispé, défensif, en crise. La profession de médecin est plus difficile aujourd’hui qu’au temps de la médecine triomphante, exactement comme la profession de prêtre était devenue de plus en plus difficile au XIXe siècle. La désinstitutionalisation religieuse est devenue une désinstitutionalisation des institutions séculières (médecine, école,…). Dans un tel processus, on est de plus en plus soupçonneux face au clerc, jusqu’à qu’une solution permette de changer de logique (en France, cela a été la loi de 1905 : on devrait avoir autant d’imagination face à la médecine sinon le médecin sera de plus en plus dans une situation où on lui demandera d’être parfait, super efficace, de réaliser le risque 0, tout cela sans être dominateur).

Attention que ce cléricalisme défensif n’entraîne pas avec lui la laïcité dans sa crise et sa crispation. C’est en partie, ce qui s’est passé à la Commission Stasi. Deux soignants, soigneusement choisis par le staff, ont fait tout un souk sur le dos de femmes musulmanes qui refusaient de se déshabiller et de se faire examiner par des médecins hommes. La mise en scène était parfaite et l’indignation primaire, au premier degré a fonctionné à plein tube. Ce jour là, je me suis dit que, vraiment, un certain nombre de gens étaient beaucoup moins capables de prendre un peu de recul et d’analyser une situation, qu’ils n’en avaient l’air.

Il est clair que c’est dans le contexte des mutations du rapport au clerc médical et du développement du consumérisme médical, avec toute son ambivalence (bien sûr) que ce fait brut pouvait prendre sens. S’indigner sans analyser, c’est du moralisme. Et, là comme ailleurs, le moralisme est une impasse.

Image, icône, économie : les sources byzantines de l’imaginaire contemporain / Marie-José Mondzain (report)

Le Seuil, 1996.

28. Le terme (économie) se trouve chez Paul, l' »inventeur » de l’image filiale naturelle, pour parler du plan de l’incarnation (n : 1 Co 11, 7 ; 2 Co 4, 4 ; Col 1, 15)

29. Il s’en trouva pour penser que l’on peut parfaitement être chrétien et refuser l’icône. Mais il n’y eut personne pour soutenir que l’on peut gouverner en se passant d’elle. (…) l’iconographie impériale est abondante, et même en plein essor durant la crise, au moment où l’empereur, ordonnant la destruction des figurations religieuses, répand son propre portrait ainsi que les signes de sa pompe, de ses plaisirs et de sa gloire à travers l’Empire. Seules l’image du Christ et celles de sa mère et des saints se trouvent interdites et détruites.

Théodore Stoudite : Antirrhétiques, II, PG 99, 353 D. :

Le propos, mon cher, n’est pas ici la Théologie, au sujet de laquelle il ne peut être question d’effigie ni d’une pensée de la similitude, mais l’Economie, grâce à laquelle on voit le prototype et sa dérivation, encore faut-il que tu admettes que le Verbe a assumé une chair semblable à la nôtre.

Pseudo-Denys : La Hiérarchie céleste, II, 3, 141 A :

Si donc les négations, en ce qui concerne les réalités divines, sont vraies, au lieu que les affirmations sont inadéquates au caractère secret des mystères, c’est plus proprement que les êtres invisibles se révèlent par des images sans ressemblance avec leur objet.
(trad. par Maurice de Gandillac, « Sources chrétiennes », 1970)

-> Paul, Eph 1, 10 et 3, 9.

Hippolyte : Contre l’hérésie d’un certain Noétos, PG 8, 816 b :

S’il veut apprendre comment est montré un seul Dieu, qu’il sache que sa puissance est unique : en ce qui concerne la puissance, il n’y a qu’un seul Dieu, mais en ce qui relève de l’économie, triple est la manifestation.

Augustin : De Trinitate, XII, vi, 6 (sur Génèse, 1, 26-27) :

En effet Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance »; et il est dit peu après : « Et Dieu fit l’homme à l’image de Dieu. »
Ce mot « notre », étant un pluriel, serait impropre si l’homme était fait à l’image d’une seule des personnes, Père, Fils ou Saint-Esprit; mais l’homme étant fait à l’image de la Trinité, voilà pourquoi on trouve l’expression « à notre image ». En revanche pour nous préserver de croire qu’il y a trois dieux dans la Trinité, alors que cette même Trinité est un seul dieu, l’auteur sacré dit : « Et Dieu fit l’homme à l’image de Dieu ».

Paul : 1 Co, 13, 12 :

Nous voyons maintenant à travers un miroir, en énigme, mais alors nous verrons face à face.

Paul : 2 Co, 3, 18 :

Pour nous le visage découvert, contemplant comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de clarté en clarté, comme par l’esprit du Seigneur.

Augustin : De Trinitate, XV (sur Paul, 2 Co, 3, 18) :

viii, 14.- « Contemplant », dit-il, c’est-à-dire voyant dans un miroir et non pas voyant d’un poste d’observation […]. « Nous serons transformés », c’est-à-dire nous passerons d’une forme à une autre, de la forme obscure à la forme lumineuse. Car la forme obscure est déjà image de Dieu et, par là même, sa gloire.
ix, 16.- S’il était facile de voir, on n’emploierait pas ce mot d’énigme. Et voici la grande énigme : que nous ne voyons pas ce que nous ne pouvons pas ne pas voir.

Basile : Sur le Saint-Esprit, XVIII, 45 :

Comment donc, s’ils sont un et un, ne sont-ils pas deux dieux ? Parce que l’image du roi, on l’appelle roi aussi et qu’on ne dit pas deux rois […]. De même qu’il n’y a qu’une seule autorité sur nous et que le pouvoir en est unique, de même la gloire que nous lui rendons est-elle unique, et non multiple, car l’honneur rendu à l’image passe au prototype. Ce que l’image est là par imitation, le Fils l’est ici par nature. Et de même que, en art, la ressemblance se prend sur la forme, ainsi, pour la nature divine, qui est simple, c’est dans la communauté de la déité que réside le principe d’unité.
Un aussi, le Saint-Esprit… (-> lat.)

55. Si la Providence qui veille sur le monde et qui est économie reste un mystère « ineffable et incompréhensible » sur lequel nous devons nous abstenir de toute question et de toute explication, il n’en reste pas moins que l’explication instrumentale qui finalise le mal et la souffrance comme économie de la liberté et organon du salut donne, à un tout autre niveau, son intelligibilité au mystère. L’économie nous fait passer du régime du mystère à celui de l’énigme.

Jean Chrysostome : Sur la Providence de Dieu, XII :

3-4. Nous disons que ces scandales sont permis pour que ne soient pas diminuées les récompenses des justes […]. Paul dit aussi [1 Co 11, 19] :

« Il faut qu’il y ait des scissions pour que ceux dont la vertu est éprouvée soient découverts parmi vous. »

4-5. De plus, les méchants ont été laissés libres pour une autre raison : c’est pour qu’ils ne soient pas privés de l’utilité qui résulte de leur conversion…
7. Au sujet de l’Antéchrist, Paul donne une autre raison. Quelle est-elle ? C’est pour supprimer tout moyen de défense aux juifs. Ceux-ci auraient été lésés s’ils n’avaient eu des occasions de combattre, mais ceux-là, en ayant subi un dommage, ne devraient raisonnablement imputer leur chute à personne d’autre qu’à eux-mêmes.