La nuit se tassait encore autour de nous, au bas des sapins dont les cimes traçaient leur haute écriture sur le ciel déjà de perle ; puis, bas entre les troncs, des rougeurs s’allumèrent, et plusieurs d’entre nous virent s’ouvrir au ciel le bleu lavé des yeux de leurs grand-mères. Peu à peu, la gamme des verts sortait du noir, et parfois un hêtre rafraîchissait de son parfum l’odeur de la résine, et rehaussait celle des champignons. Avec des voix de crécelle, ou de source, ou d’argent, ou de flûte, les oiseaux échangeaient leurs menus propos du matin.
Montagne
Dong Yuan 董源 (note à « rouleau 掛軸 »)
J’ai repêché sur Wikimedia la peinture de Dong Yuan qui illustre ce morceau. Je ne sais pas si je l’avais en tête lorsque je rédigeais, sans doute pas, plutôt quelque chose comme une idée générique du rouleau vertical. La peinture de Dong Yuan, cependant, convient bien: elle ne m’était pas inconnue en 1980 et j’aime beaucoup Dong Yuan. Je me souviens qu’au tout début d’un des premiers hivers que je passai dans ma nouvelle habitation, sur les premiers reliefs des Alpes entre Contes et Berre les pentes roussies du Mont Macaron, au-dessus de ma route quotidienne, me rappelèrent une autre peinture de Dong Yuan (龍宿郊民圖).
La ressemblance ne saute pas aux yeux mais le fait est que le souvenir de cette peinture m’a aidé à m’approprier le nouveau paysage au milieu duquel je vivais désormais, à m’en faire habitant.