l’obsessionnel (Lacan, céder sur son désir 2)

Fonction et champ de la parole et du langage (1953), in Ecrits, p. 314

« L’obsessionnel manifeste en effet une des attitudes que Hegel n’a pas développées dans sa dialectique du maître et de l’esclave. L’esclave s’est dérobé devant le risque de la mort, où l’occasion de la maîtrise lui était offerte dans une lutte de pur prestige. Mais puisqu’il sait qu’il est mortel, il sait aussi que le maître peut mourir. Dès lors il peut accepter de travailler pour le maître et de renoncer à la jouissance entre-temps: et, dans l’incertitude du moment où arrivera la mort du maître, il attend.

Telle est la raison intersubjective tant du doute que de la procrastination qui sont des traits de caractère chez l’obsessionnel.

Cependant tout son travail s’opère sous le chef de cette intention, et devient de ce chef doublement aliénant. Car non seulement l’œuvre du sujet lui est dérobée par un autre, ce qui est la relation constituante de tout travail, mais la reconnaissance par le sujet de sa propre essence dans son oeuvre où ce travail trouve sa raison, ne lui échappe pas moins, car lui-même « n’y est pas », il est dans le moment anticipé de la mort du maître, à partir de quoi il vivra, mais en attendant quoi il s’identifie à lui comme mort, et ce moyennant quoi il est lui-même déjà mort. Néanmoins il s’efforce à tromper le maître par la démonstration des bonnes intentions manifestées dans son travail. C’est ce que les bons enfants du catéchisme analytique expriment dans leur rude langage en disant que l’ego du sujet cherche à séduire son super-ego.« 

Le fameux passage du Séminaire de juillet 1960 où il est énoncé « que la seule chose dont on puisse être coupable, (…), c’est d’avoir cédé sur son désir« , s’il s’ancre dans la pratique analytique, est aussi une relecture de la dialectique du maître et de l’esclave, de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel.