10:00.- Je vais chercher dans Histoire et pouvoirs de l’écrit / Henri-Jean Martin ce qu’il dit de la question de la lecture silencieuse (p. 77 sq.). En gros il assume sans trop se casser la tête les contradictions du dossier. A côté de l' »évidence éclatante » de la prépondérance de la lecture sonore, il signale celle pas moins lumineuse de l’existence ancienne du tacite legere. »Chacune de ces techniques correspondait donc à une fonction précise, mais on ne peut douter que la pratique de la scripta continua se soit trouvée liée à une conception littéraire à haute voix qui est évidemment liée aux méthodes de l’enseignement. »
Rappel du travail de Marrou: l’éducation se fait d’abord par l’apprentissage analytique des éléments de l’écriture puis par la répétition des grands textes.
En passant il me donne, d’après Petrucci, une nouvelle attestation de lecture silencieuse: Horace, Satires, II, v, 68.
Il est indispensable, si je veux tirer un article de mes notes de dimanche, que je complète mes lectures par la bibliographie, au risque de trouver des éléments nouveaux qui vont complexifier ce que j’ai mis en place. Difficile à faire ces jours-ci.
J. Balogh, « Voces paginarum », Philologus, vol. 82 (1926-1927), p. 84-100.
B.H.W. Knox, « Silent reading in Antiquity », Greek, Roman and Byzantin Studies, IX, vol. 4, 1968, p. 421-435.
A. Petrucci, « Lire au Moyen Age », Mélanges de l’Ecole française de Rome. Moyen Age et temps modernes, 96 (1984, 2), p. 604.
Liaison de la lecture à voix haute et de la mémorisation.
p.80-81: méthodes d’écriture:
« Si l’on se souvient que l’art de l’écriture, et surtout de la belle écriture, était, de même que la tachygraphie, spécialité d’esclaves ou d’affranchis, on peut se demander dans quelle mesure les auteurs latins, chez qui dictare semble parfois synonyme de composer, ne pratiquaient pas certaines formes de composition orale. En fait, les notables de la Rome antique dictaient, comme ceux d’aujourd’hui, les éléments de notes officielles, les mémoires, les rapports et les lettres; César, comme plus tard Napoléon, pouvait occuper plusieurs secrétaires à la fois. Ces hommes qui ignoraient la signature ajoutaient, par exemple, au bas des missives qu’ils avaient dictées, une formule autographe (le Vale de Cicéron). En revanche, ils écrivaient de leur main les textes confidentiels et les épîtres destinées à leurs intimes. »
A la partition lecture silencieuse / lecture sonore aurait correspondu une partition écriture sonore = dictée / écriture silencieuse = autographe.
Ex. de Pline, de Virgile, d’Horace, de Cicéron et de Quintillien (adversaire de la dictée), qui suggèrent une pratique complexe de l’écriture où dictée et autographie se complètent:
« Ils semblent avoir commencé normalement en prenant des notes (notare, adnotare). Ils rédigeaient ensuite un plan détaillé ou un premier jet (formare) Puis ils dictaient le texte en prenant garde aux rythmes et aux périodes. Après quoi ils le relisaient et le corrigeaient (emendare). »
Conséquences de l’oralité (de la lecture) sur la composition:
souci de ne pas lasser, digressions et incidentes, reprises et répétitions.
« les hommes véritablement cultivés semblent avoir été suceptibles de lire personnellement les oeuvres littéraires de manière assez cursive. Martial nous apprend par exemple que les plus studieux emportaient un livre à la chasse au filet. Pline estimait que Minerve se rencontre aussi facilement dans les bois que Diane. Horace emporte de la lecture dans sa maison de campagne, Catulle fait de même quand il se rend à Vérone et les libraires font copier des exemplaires susceptibles d’être lus en voyage. »
Lecture ou relecture?
Parallèle avec les pratiques de lecture des Arabes: lecture à voix haute accompagnée par tout le corps, capacité forte de mémorisation, goût de la rhétorique, difficultés à prendre des notes non dictées, faiblesse de l’esprit critique.