Les langues peuvent pendant des siècles être accompagnées de l’écrit, sans qu’il surgisse ce qu’on désigne avec la très curieuse expression de « langue écrite » […] Il vient un jour, dans la vie des peuples, un moment où l’écriture, de servante de la langue, devient sa maîtresse. Et ce moment arrive quand un contenu qui embrasse toute la vie du peuple se trouve coulé dans l’écrit, quand, donc, il y a pour la première fois un livre « que chacun doit avoir lu ». A partir de ce moment, la langue ne peut plus aller de l’avant de façon naturelle […] Et c’est un fait que le tempo de développement de la langue est désormais plus alourdi qu’avant. Nous comprenons aujourd’hui encore, en gros, l’allemand de Luther, si nous l’orthographions de façon moderne. Par contre, il nous serait très difficile de lire la littérature qui lui est contemporaine, dans la mesure où elle n’a pas été influencée par lui.
(Traduit et cité par Antoine Berman dans L’Épreuve de l’étranger, 1984, d’après H.J. Störig, Das Problem des Übersetzens)
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