Pierre Bourdieu et le latin

Deux très intéressants billets de Philippe Cibois sur son carnet de recherche, « la question du latin »:

où il montre que si Bourdieu critique dans la Reproduction l’enseignement du latin comme dispositif de production de distinction, ça ne l’empêche pas de supposer à ces lecteurs une certaine connaissance de cette langue.

bien que Bourdieu dise que l’apprentissage des langues anciennes est un gaspillage ostentatoire (…), il suppose de fait une connaissance du latin pour être compris.

Le premier billet, où j’avais mis en commentaire cette citation d’Alain (Propos sur l’éducation):

Napoléon, je crois bien, a exprimé en deux mots ce que tout homme doit savoir le mieux possible : géométrie et latin.

m’a donné l’occasion d’un échange avec l’auteur (que je mets ici après le saut pour mémoire), où il ne s’agit pas de Bourdieu mais, à partir du cas du latin, des objectifs de l’éducation secondaire, une question qui m’intéresse dans la mesure où il me semble, depuis ma pratique de formation à la littératie informationnelle, que les nouvelles conditions de diffusion et d’accès à l’information, devraient amener à la reformuler radicalement (et l’on apercevrait alors peut-être certaines perspectives paradoxales).

En gros je tends à reprocher à Philippe Cibois de se laisser gagner par une conception de l’éducation qu’il critique pourtant chez Bourdieu et dont il montre que celui-ci, pratiquement, ne la suit pas.

Lire la suite

Comment mieux enseigner les mathématiques?

Hier, dans Science-Frictions, sur France-Culture, « Comment mieux enseigner les mathématiques?« , Michel Alberganti recevait Laurent Lafforgue, professeur à l’IHES, médaille Fields (le « Nobel » des mathématiques) 2002, et Jean-Paul Delahaye, professeur à l’UST de Lille, pour traiter de la situation (très mauvaise) de l’enseignement des mathématiques. Parmi le concert assez nombreux qui déplore l’état de l’enseignement en France et dans le consensus qui se dégage tant bien que mal contre le « pédagogisme » (qui a été?) dominant dans la formation des enseignants et l’élaboration des programmes (lequel consensus n’a contre lui que d’être plutôt porté par des gens de droite), cet entretien structure un peu le constat (ce qui n’est pas étonnant venant de mathématiciens), d’abord en pointant le manque sur l’essentiel, à savoir sur le raisonnement mathématique (« Même dans les filières d’excellence, nous avons entendu, par exemple, des professeurs de certaines des meilleures classes préparatoires scientifiques de France témoigner que les étudiants leur arrivent sans savoir ce qu’est une démonstration et en ignorant jusqu’aux règles élémentaires de la logique. »*), ensuite en liant ce déficit au déficit d’apprentissage de la langue (« L’enseignement le plus fondamental est à l’évidence celui de notre langue nationale, le français. À l’école primaire, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture doit avoir priorité sur tous les autres. »*), enfin en replaçant les mathématiques au centre de l’enseignement scientifique.

Les deux citations ci-dessus (*) sont extraites du texte « Les savoirs fondamentaux au service de l’avenir scientifique et technique. Comment les réenseigner. » par Roger Balian, Jean-Michel Bismut, Alain Connes, Jean-Pierre Demailly, Laurent Lafforgue, Pierre Lelong et Jean-Pierre Serre, qu’on peut trouver à décharger sur le site de la Fondation pour l’innovation politique.