Maria Margaronis dans « The Nation »:
Revenant en Grèce après trois mois, j’ai trouvé un Etat proche de la dissolution et un peuple désespéré.
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L’air est plein de menaces et de rumeurs qui changent tous les jours: projets de nouvelles coupes budgétaires et de nouveaux impôts, dates limite mouvantes pour prétendre à telle ou telle exemption, avertissements de mesures punitives contre ceux qui ne s’exécuteraient pas. Personne ne sait que croire; personne ne peut prévoir au-delà du lendemain. Des théories conspirationnelles de toutes sortes se précipitent pour remplir les vides, chaotiques comme les graffitis noirs griffonnés sur tous les murs.
Le gouvernement a abdiqué beaucoup de ses fonctions essentielles, paralysé par les dissensions internes, par les mesures inapplicables exigées par l’Union Européenne et le FMI, et par la rage de ses propres employés, qui pendant des jours ont occupé les principaux ministères. La police est débordée, sous-payées et en colère. De larges secteurs de la ville sont devenus des zones interdites excepté pour ces infortunés, immigrants pour une grande part, qui sont condamnés à vivre là[1]. Des hommes démunis poussent des charrettes pleines de débris de métaux à vendre (une récolte journalière peut procurer 7 euros si vous êtes chanceux); des drogués se piquent sur le trottoir; des hommes entrent et sortent de bordels remplis de femmes par le trafic. Depuis deux semaines une grève des éboueurs a laissé des tas d’ordure vertigineux se décomposer à tous les coins de rue: cartons vides, légumes pourris, restes de viande, vêtements en lambeaux et papier toilette, attendant d’être ramassés par le plus pauvre des pauvres.