Patrick Declerck, athéisme et nietzschéisme

-> Nietzsche et l’oubli, sur France-Culture (Avec philosophie du 21.12.2023)

Patrick Declerk, psychanalyste franco-belge, vient déranger (de manière plutôt réjouissante) le consensus nietzschéen habituel, et de manière assez frontale: « c’est faux! » dit-il en commentaire à telle ou telle proposition des extraits de Nietzsche cités. Et puis, comme Géraldine Muhlmann, un peu interloquée, remarque: « mais vous êtes un grand admirateur de Nietzsche?! », il précise que ce qu’il apprécie avant tout chez N. c’est la dénonciation des illusions religieuses. Il défend, contre N., Schopenhauer et son pessimisme° et plus loin il se réfère à Héraclite et traduit « on ne se baigne jamais dans le même fleuve » par « tout fout le camp ».

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Nietzsche: de la nécessité des jugements faux (1886)

Reconnaitre la non-vérité comme la condition de la vie…

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Gilles Deleuze: relativisme, perpectivisme et discussion

« Ce n’est pas « chacun sa vérité » ; c’est « la vérité renvoie à un point de vue ». Toute vérité dans un domaine renvoie à une vérité dans ce domaine ; le point de vue est la condition de la possibilité de la vérité ; le point de vue est la possibilité de l’émergence de la vérité, de la manifestation de la vérité. Donc, ne croyez surtout pas que le perspectivisme autorise la discussion. »

 

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Nietzsche, la séduction des mots (Jenseits… § 16)

Caspar David Friedrich. : Der Wanderer über dem Nebelmeer

Il y a toujours encore d’inoffensifs introspectifs qui croient qu’il y a des « certitudes immédiates », par exemple « je pense », ou, comme c’était la superstition de Schopenhauer, « je veux »: comme si ici la connaissance obtenait de saisir son objet pur et nu, comme « chose en soi », et que ni du côté du sujet ni du côté de l’objet n’intervenait de falsification. Que cependant « certitude immédiate », tout comme « connaissance absolue » ou « chose en soi », enferment en soi une contradictio in adjecto, je le répèterai sans arrêt: c’est qu’il faut enfin se libérer de la séduction des mots. Lire la suite

Nietzsche: « Der Neue Columbus » (1884)

Amie! – dit Colomb – ne te fie
plus à aucun Génois!
Toujours il regarde dans le bleu –
Le plus lointain l’attire bien trop! Lire la suite

Nietzsche: l’apparence logique (1887)

Caspar David Friedrich. : Der Wanderer über dem Nebelmeer

Le monde nous apparaît logique, parce que nous l’avons d’abord logicisé.

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Nietzsche: la chanson populaire

Friedrich_Nietzsche-1872… toute époque féconde en chansons populaires fut aussi au plus haut point tourmentée par des agitations et des entraînements dionysiens[1] que nous devons toujours considérer comme cause latente et condition préala­ble de la chanson populaire.

Mais la chanson populaire nous apparaît avant tout comme miroir musical du monde, comme mé­lodie primordiale qui se cherche une image de rêve parallèle et exprime celle-ci dans le poème. La « mé­lodie est donc la matière première et universelle » qui, à cause de cela, peut aussi subir des objectivations diverses en des textes différents. Aussi est-elle, pour le sentiment naïf du peuple, l’élément prépondérant, essentiel et nécessaire. De sa pro­pre substance, la mélodie engendre le poème, et sans cesse elle recommence ; la « forme en couplets de la chanson populaire » ne signifie pas autre chose…

Naissance de la Tragédie, §6 (cité par Charles-Albert Cingria, La Civilisation de Saint-Gall, OC, II, p. 189)

[1] Cingria commente: « Il n’y a pas de meilleur exemple à notre époque – pas celle de Nietzsche, la nôtre – que l’art anglo-nègre d’Amérique. »

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Apprendre et juger (Solon et Nietzsche)

γηράσκω δ’ αἰεὶ πολλὰ διδασκόμενος. (Solon, fr. 8)

L’homme de parti.- L’homme de parti authentique n’apprend plus, il ne fait plus qu’éprouver et juger: alors que Solon, qui ne fut jamais un homme de parti mais poursuivit son but à côté et au-dessus des partis ou contre eux, est significativement le père de cette parole  sobre, dans laquelle reste enclose la santé et la créativité inépuisable d’Athènes: « je vieillis et j’apprends toujours. »

(Humain, trop humain, II.1, §301 via Laudator Temporis Acti)

Der Parteimann.— Der echte Parteimann lernt nicht mehr, er erfährt und richtet nur noch: während Solon, der nie Parteimann war, sondern neben und über den Parteien oder gegen sie sein Ziel verfolgte, bezeichnenderweise der Vater jenes schlichten Wortes ist, in welchem die Gesundheit und Unausschöpflichkeit Athens beschlossen liegt: « alt werd’ ich und immer lern’ ich fort. »

Lernen / erfahren: en allemand « erfahren » (que je traduis ici par « éprouver » et qui est  traduit par « to experience things » dans la traduction utilisée par Michaël Gilliland) peut se traduire par « apprendre » mais au sens d’apprendre une nouvelle, soit un apprendre plutôt du côté de l’information que de celui de la connaissance.

voir aussi:

nietzsche.tv (Malheur au penseur qui n’est que le terrain de ses conclusions)

J’ai trouvé le texte original de l’extrait précédent sur le site nietzsche.tv qui s’avère, grâce à l’épatante bookmarklette dotEPUB, une source insepérée: je viens de rajouter à ma bibliothèque epub l’essentiel de l’oeuvre de Nietzsche en allemand!

Pour la bonne bouche, l’aphorisme suivant (382):

Jardinier et jardin. – Les jours humides et sombres, la solitude, les paroles sans amour que l’on nous adresse, engendrent des conclusions semblables à des champignons : nous les voyons apparaître devant nous, un matin, sans que nous sachions d’où elles viennent et elles nous regardent, grises et moroses. Malheur au penseur qui n’est pas le jardinier, mais seulement le terrain de ses plantes!

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Nietzsche et sa moustache

Aurore, 381:

l’homme le plus paisible et le plus raisonnable, pour le cas où il aurait une grande moustache, pourrait s’asseoir en quelque sorte à l’ombre de cette moustache et s’y asseoir en toute sécurité, – les yeux ordinaires voient en lui les accessoires d’une grande moustache, je veux dire: un caractère militaire qui s’emporte facilement et peut même aller jusqu’à la violence – et devant lui on se comporte en conséquence. (trad. H. Albert)

(La barbe est un voile, la moustache un masque.)

Il est à peu près impossible de résister à y reconnaître un autoportrait et de se dire: « Ah, je comprends le pourquoi de cette monstrueuse moustache, de cette moustache à faire de l’ombre… ». Un pas de plus et l’on reconnaîtrait dans ce portrait physico-moral le fin mot de l’oeuvre elle-même.

(cité par R. Enthoven la semaine dernière)
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